vendredi 18 mars 2011

Apocalypse 10 : l'ange puissant et le petit livre

1. Introduction : Un second temps de pause :

Comme il en fut au chapitre 7, entre le 6ème et le 7ème sceau, la vision de Jean qui court du chapitre 10,1 à 11,14, séparant la 6ème et la 7ème trompette, est la marque d’une seconde pause dans le déroulement des jugements. Comme il en fut aussi au chapitre 7 avec la vision des 144 000 juifs oints : 7,1 à 8, la vision que Dieu donne à Jean le détourne de ce qui touche au monde et aux nations pour le conduire à porter ses regards vers ce qui se passe en Israël. Tous les termes utilisés par Jean dans la vision qu’il reçoit nous reportent au peuple élu de Dieu et à des éléments de son histoire : la mention des prophètes, le petit livre à la fois doux et amer, le roseau qui mesure le temple, l’autel, le parvis, la ville sainte, les deux témoins, les plaies, Sodome, l’Egypte… l’œuvre de Dieu en Israël, parmi Son peuple, dans le temps du jugement des nations est le thème et la raison de la vision.

Cette alternance de direction n’est pas sans raison. Elle témoigne de deux réalités concomitantes : la 1ère est que les temps de la fin sont les temps du jugement et de la manifestation de la colère de Dieu sur le monde ; la seconde est que ces temps sont aussi ceux de la réalisation du mystère de Dieu, de Son dessein. Si l’Apocalypse est riche en malheurs, le malheur n’est pas l’objectif final que Dieu vise. L’Apocalypse ne se termine pas sur la vision du malheur et du jugement, mais sur celle de la gloire de Dieu, du rétablissement de toutes choses et de la félicité de la création. Les pauses qui jalonnent le récit des différentes séries de jugement sont là pour le rappeler.

2. La vision de l’ange :

C’est par la vue d’un ange puissant que débute la vision, faite de divers éléments, dont Jean est l’objet. Bien qu’il ne soit pas identifié au Christ, la description de l’ange colle par de nombreux traits à celle que Jean donne du Christ qu’il vit à Patmos ou celle de Dieu dans une vision précédente :

- le halo lumineux (l’arc-en-ciel) qui l’entoure : Apoc 4,2-3

- le visage comme le soleil lorsqu’il brille dans sa force : Apoc 1,16

- les jambes semblables à des colonnes de feu : Apoc 1,15

Fidèle au contexte de l’Ancien Testament dans lequel le Fils de Dieu apparaît sous la forme de théophanies (révélations de Dieu sous des formes humaines ou autres), il n’est pas impossible que l’ange puissant qui introduit la vision en soit une. Cela d’autant plus que la théophanie la plus courante de l’Ancien testament soit justement celle où l’Eternel se présente sous les traits d’un ange puissant : l’Ange de l’Eternel : Genèse 16,7 ; 22,11 ; Exode 3,2 ; Nomb 22,22… La révélation de Dieu à Israël sous la forme de l’Ange dans les temps de la fin n’est pas surprenante : elle suit la logique qui fut la Sienne tout au long de la Révélation aux pères dans la foi comme aux prophètes.

La position et le comportement de l’ange puissant que voit Jean expriment l’intention qui est à l’origine de son apparition. Le pied droit sur la mer, l’autre sur la terre, l’ange signifie qu’il vient prendre possession de son héritage. Les lieux que foulent le pied sont dans le langage biblique des lieux conquis : Josué 1,3. Dans le psaume 2 déjà, David fait état du décret et de la promesse de Dieu de donner à Son Fils l’héritage des nations : Ps 2,7-8. Ce transfert de propriété du monde de la puissance de Satan à celle du Christ est le but ultime du jugement et du combat final qui, ici, se précise : Apoc 11,15. Le chapitre 10 introduit la confrontation ultime entre le Christ de Dieu et celui du diable, l’Antichrist. Il est, dans ce temps difficile qui se prépare pour Israël, peuple de Dieu, une déclaration forte destinée à soutenir sa foi : les moments les plus terribles viennent, le conflit entre les puissances ennemis va atteindre son paroxysme, mais la victoire finale ne fait pas de doute !

Planté debout sur la mer et sur la terre, l’ange puissant rugit comme le lion, le roi des animaux. Ce rugissement, disent les prophètes, est celui de l’Eternel lorsqu’il sort de sa demeure : Jérémie 25,30 ; Amos 1,2 ; 3,4 : un rugissement qui glace le sang et provoque la frayeur de Ses ennemis . Si la terre ne sait pas encore ce qui va lui arriver, le ciel, lui, ne s’y trompe pas, qui répond au rugissement de l’ange par le fracas de la voix des sept tonnerres : Apoc 4,5. Jean ne reçut pas l’autorisation d’écrire ce que la voix des tonnerres avait dit. Plus tard, le contenu de plusieurs messages, juste avant le déroulement de la dernière phase du jugement, sera révélé : Apoc 14,6 à 13. Ce secret imposé a peut-être pour signification qu’Israël, comme l’Eglise en son temps, devra, en cette période d’angoisse, apprendre à vivre et subsister par la foi. Le peuple de Dieu saura que le Christ, l’Ange de l’Eternel sera vainqueur, mais il ne sait pas de quelle manière, par quelles voies, cette victoire se réalisera.

3. Le message de l’ange :

C’est en jurant par Celui qui vit à jamais et a fait le ciel et la terre que l’ange délivre le message dont il est porteur. Si l’Evangile interdit aux hommes, à cause de l’incapacité de tenir leur parole, de jurer et de prêter serment : Mat 5,33 à 37, la Bible souligne que le serment est le moyen que Dieu utilise pour attester de manière irréfutable Ses engagements : Hébr 6,16-18. Les serments de Dieu jalonnent le parcours de la révélation quant à ce qui a trait à la voie du salut : Genèse 22,16-17 ; Exode 6,8 ; Ps 110,1 ; 132,11. Fort de la réalisation de tous les serments précédents, ce dernier serment fait ici par l’ange a pour but de donner à Israël la certitude dont il a besoin pour soutenir sa foi en la victoire promise de Christ.

Le message principal de l’ange à Son peuple est que, désormais, l’année de la grâce et de la patience de Dieu, inaugurée par la venue de Christ sur terre est close : Luc 4,19. Le jour de la colère et de la vengeance de Dieu est venu : Esaïe 61,2. La patience de Dieu n’avait qu’un but : que les hommes se repentent : 2 Pierre 3,8-9. Ne produisant plus de fruit dans ce sens, elle n’a désormais plus de raison de se poursuivre.

La fin de la patience de Dieu n’est pas seulement la fin de l’ère de la grâce. C’est aussi le temps où le mystère de Dieu s’accomplit. Sous cette appellation, la Bible désigne sept choses :

- le mystère du royaume de Dieu : Marc 4,11

- le mystère du parcours d’Israël : Rom 11,25

- le mystère de l’enlèvement de l’Eglise et de la résurrection des saints : 1 Cor 15,51

- le mystère de l’Eglise : Ephés 3,8 à 11

- le mystère du mal : 2 Thes 2,7

- le mystère de Babylone : Apoc 17,3 à 7

- le mystère de Dieu : Christ : Col 2,2

Contrairement à son usage dans le langage courant, le mystère dans les Ecritures ne signifie pas quelque chose d’inexplicable, mais quelque chose qui n’est connu que par des initiés (Coates). Le mystère de Dieu, Christ, est le mystère :

- dans lequel sont cachés tous les trésors de la sagesse et de la science : Col 2,3

- qui fut tenu secret pendant des siècles, mais qui est désormais porté à la connaissance de toutes les nations : Rom 16,25-26

- qui est à la raison de la réalité spirituelle à l’origine de la nouvelle humanité qu’est l’Eglise : Ephés 3,1 à 6

- qui constitue l’essence même de la piété chrétienne : 1 Tim 3,16

Le mystère de Dieu, Christ, est le cœur même du projet de Dieu, de Son dessein, de la volonté qui fut la sienne lorsqu’Il créa le monde : Ephés 1,9-10. Malgré tout ce que le diable aura mis en œuvre pour le faire avorter, il est impossible que ce mystère ne se réalise pas !

4. le petit livre que Jean doit manger :

Après avoir écouté la déclaration de l’ange, la même voix qui, du ciel, interdit Jean d’écrire ce qu’il avait entendu de la part des sept tonnerres de Dieu, lui ordonna de prendre le petit livre ouvert qui était dans la main droite de l’ange.

Comme il en fut pour le prophète Ezéchiel en son temps : Ezéchiel 2,8 à 3,3, il est demandé à Jean de ne pas se limiter à proclamer le message qu’il a reçu, mais de l’assimiler de telle manière qu’il soit partie intégrante de sa personne, qu’il ne fasse qu’un avec lui. La demande d’une telle identification entre le message de Dieu et son porteur n’est pas unique, mais récurrente dans l’Ancien Testament : Esaïe 8,1 à 4 ; Ezéchiel 24,15 à 24. Elle trouve son expression la plus forte dans la mort de Jésus, à la foi sacrificateur et sacrifice : Hébr 9,11-12.

Mangeant le livre ouvert qui contenait le message qu’il venait de recevoir, Jean ressentit le double effet qu’il produisait : dans sa bouche, la douceur du miel, dans ses entrailles, le ressenti désagréable de l’amertume. Tel est toujours le double effet que produit dans la vie de celui qui en est le porteur le message de la Parole de Dieu : Ps 119,103 ; Jér 15,16 à 18. S’il réjouit le cœur quand il est reçu, il se traduit rapidement, tant il est douloureux à transmettre, par la souffrance pour celui qui le délivre.

Si Jean a eu l’honneur d’être le serviteur choisi par Dieu pour transmettre le message de l’Apocalypse, soyons certains qu’au-delà de la joie qu’a pu lui procurer la révélation de la victoire de Christ, il a aussi profondément ressenti en lui-même la douleur qui était celle de Dieu lorsqu’Il s’agit pour Lui de juger le monde. car le désir de Dieu est toujours le même : Il ne souhaite pas que le méchant meure, mais qu’il se convertisse et qu’il vive : Ezéchiel 33,11.

Je viens bientôt !