samedi 24 octobre 2009

Apocalypse 2,8 à 11 : lettre à l'église de Smyrne

1. Introduction :



Nous sommes, avec cette visite de Jésus à l’église de Smyrne (aujourd’hui Izmir, 3ème ville de Turquie) toujours dans le contexte de la vision que Jean a reçu du Seigneur sur l’île de Patmos. Dans ce contexte, rappelons-nous le, Jean, un dimanche, avait entendu une voix forte s’adresser à lui. Puis, se retournant pour voir qui était derrière cette voix, il avait vu le Seigneur au milieu de sept porte-lampes ou chandeliers d’or, représentant les 7 églises d’Asie.

Commençant par Ephèse, le Seigneur entreprit ensuite de faire avec Jean le tour de chacune des églises. L’ordre de cette tournée des églises par le Seigneur, avons-nous vu, ne procède pas du hasard. D’après les historiens et comme nous le verrons encore plus tard, elle correspond assez exactement à la description des différentes phases par lesquelles l’Eglise passera au cours du temps. Si l’Eglise d’Ephèse correspond au temps de l’Eglise primitive, à ses débuts (il y est parlé des apôtres), l’Eglise de Smyrne incarne quant à elle assez nettement la seconde phase de l’histoire de l’Eglise, l’Eglise dans la souffrance de la persécution, l’Eglise des catacombes et des arènes, l’Eglise des martyrs.

Que dit Jésus ? Quel jugement porte-t-il sur cette partie de l’histoire de l’Eglise ? Que pouvons-nous en retirer pour nous aujourd’hui ? C’est ce que nous allons essayer de voir ce matin !


2. Identité de l’Eglise de Smyrne :


A. Je connais :

Tout comme le Seigneur l’avait dit à Ephése, Il dit aussi à Smyrne qu’Il connaît, qu’Il sait, qu’Il est parfaitement conscient et au courant de tout ce que l’Eglise de Smyrne vit et de tout ce par quoi elle passe.

Si le fait de savoir que le Seigneur sait ce qui se passe dans l’Eglise, lorsqu’il y a en son sein des choses qui ne sont pas à Sa gloire, peut nous inspirer un sentiment de crainte, il en est tout autrement lorsque l’Eglise passe par la persécution. Le « Je connais » du Seigneur ne se montre pas ici effrayant, mais consolant.

C’est sans doute là, avec d’autres que nous verrons plus tard, la 1ère consolation que tout chrétien rejeté, mis de côté, devant souffrir pour sa foi, reçoit de la part du Seigneur. Chacune de nos détresses, comme Il le dit aussi en Esaïe 63,9, est aussi Ses détresses. Paul, dans l’épître aux romains, pose la question : Qui peut nous séparer de l’amour de Christ ? Sera ce la détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le péril ou l’épée ? Je suis persuadé pour ma part, poursuit-il, que ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les puissances, ni la hauteur, ni la profondeur, ni aucune créature n’a le pouvoir de nous séparer de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ : Rom 8,35.39.

Sans doute aucun de nous n’a connu la souffrance et la persécution pour Christ au point où l’ont connu l’Eglise des martyrs du 1er au 3ème siècle. Pourtant les paroles de Jésus dans les souffrances que nous pouvons vivre pour Lui dans ce monde à cause de notre foi sont aussi pour nous. Il connaît aussi ce que nous vivons : que cette certitude puisse être la source première de notre consolation !

Il connaît : mais que connaît-Il ? Que voit-Il de la situation de Smyrne ? 3 choses :


B. Je connais ta détresse, ta pauvreté, les calomnies (ou blasphèmes)…

En disant ce qu’Il connaît de l’Eglise de Smyrne, Jésus fait vraiment le tour de tout ce qui la touche et la concerne :

a. Il connaît sa détresse : il sait exactement ce par quoi elle passe. Il sait de quoi sa douleur et sa souffrance est faite. Il la mesure parfaitement, étant d’ailleurs Lui-même passé par là avant elle.

Quoi que nous connaissions et ce par quoi nous devons passer à cause de Jésus, nous devons nous rappeler qu’il est impossible que Jésus y soit étranger. Si nous connaissons, la prison, les coups, l’humiliation, les calomnies à notre encontre, sachons que Jésus les a connu avant nous. Soyons-en certain : parce que Jésus l’a vécu avant nous, Il sait, connaît ce que cela signifie que de passer par la détresse. Aussi, avoir communion à ses souffrances, y participer pour l’avancement du royaume de Dieu fait partie du contrait qui nous lie à Lui en tant que disciple : 2 Cor 1,5 ; Philip 3,10 ; Col 1,24


b. Il connaît ensuite sa pauvreté –quoique, ajoute-t-il, elle est riche :

Nul doute qu’en disant ce qu’Il dit ici, Jésus ne répond pas seulement à la situation extérieure par laquelle passe l’Eglise : Hébr 10,32 à 34, mais aussi au sentiment intérieur qui l’habite. S’il y a bien en effet un sentiment qui peut habiter le chrétien qui souffre, c’est sans nul doute le sentiment de son impuissance, voire de son inutilité. Qui suis-je moi chrétien enfermé en prison, livré à la mort, pauvre au point d’avoir tout perdu jusqu’à mes droits les plus élémentaires : liberté de culte, d’expression, de réunion, etc…

Tu te penses pauvre, répond Jésus ! Eh bien, moi je te dis que tu es riche ! Car, si pour Moi, tu montres que tu es capable de tout perdre, y compris peut-être un jour ta vie, alors tu témoignes au monde que tu possèdes en toi un trésor qui vaut plus que toutes les richesses du monde. Rappelle-toi, Eglise de Smyrne, ce que J’ai dit en mon temps à Mes disciples : A quoi sert-il à un homme de gagner le monde entier si c’est pour faire la perte de son âme : Marc 8,36 ? Souviens-toi en : la richesse véritable ne se trouve pas du côté de ceux qui te font la guerre et te prenne tout, mais de ton côté.


c. Il connaît les calomnies dont l’Eglise est l’objet :

Si la souffrance physique est sans nul doute l’un des aspects les plus insupportables de la persécution, elle n’est pas le seul. Il arrive parfois même qu’intérieurement le fait d’être calomnié, faussement accusé dépasse en souffrances ce que des coups pourraient produire.

Sachons-le pourtant : la calomnie, le mensonge sont et continuent à être aujourd’hui, dans les pays où règne la persécution, l’une des armes les plus utilisées contre l’Eglise de Jésus-Christ.

Tel pasteur est ainsi accusé en Iran ou en Chine d’être un ennemi de l’Etat ou, parce qu’il a reçu un chrétien occidental chez lui, un relais de puissances étrangères. Tel autre peut être arrêté sous prétexte qu’il a commis des délits ou des faits, soi-disant répréhensibles par la loi.

Sachons que, si un jour notre liberté est menacée, le mensonge et la calomnie feront partie de l’arsenal des armes utilisées contre nous. Jésus en a été l’objet : « Nous avons trouvé cet individu en train d’inciter notre nation à la révolte ; il empêche de payer l’impôt à César, et il se dit lui-même Christ, roi : Luc 23,2. Nous le serons aussi.

Consolons-nous cependant car, comme Il connaît la détresse par la quelle nous passons, Jésus connaît aussi la validité des accusations dont nous pouvons être l’objet. Si nous n’avons rien à nous reprocher devant Dieu, nous n’avons pas à tenir compte des accusations dont nous pouvons être l’objet de la part des hommes. Bien plus, Jésus nous a dit que le jour où une telle chose nous arriverait serait un beau jour : Mat 5,11-12. Ces calomnies sont la preuve que nous sommes du bon côté, du côté de la vérité et du Royaume de Dieu !


3. Le pouvoir du diable

Si ce sont bien des hommes qui calomnient et persécutent l’Eglise de Smyrne, Jésus tient à ce que, dans l’esprit des chrétiens, il n’y ait aucune ambiguïté au sujet du véritable auteur de leur souffrance. Leur véritable adversaire, ce ne sont pas les êtres de chair et de sang qui les arrêtent, les persécutent, les calomnient, les font souffrir : c’est le diable.

Si, à la lecture, cette distinction peut nous apparaître comme une simple tournure de langage, en réalité, dans la persécution, elle est essentielle. Car, comment, en effet, pourrions-nous rester des témoins du Christ dans ce monde si nous ne faisons pas la distinction entre ceux qui nous persécutent et celui qui est le véritable auteur de la haine dont nous sommes l’objet ?

Jamais une seule fois il n’apparaît, dans les discours et le comportement de Jésus, que celui-ci ait considéré les hommes comme ses véritables adversaires :

- Jésus a recommandé d’aimer ceux qui nous persécutent, de prier pour eux, de les bénir (leur souhaiter et leur faire du bien) : Luc 6,27-28. Or cette exigence n’est seulement possible que si nous les considérons, non comme des coupables, mais eux-mêmes comme des victimes du Malin.

- Même alors qu’il est arrêté, Jésus continue à appeler Judas « Ami ! » Jésus veut rendre Judas conscient que, bien qu’il soit séduit, son vrai ennemi n’est pas lui, mais celui qui, à cette heure, le manipule. Jésus chercherait-il par cette distinction à sauver encore Judas : je ne le sais. Mais notons qu’Il l’a fait clairement !

Satan, le diable, étant le véritable ennemi du chrétien, la question se pose, quelle est l’étendue de son pouvoir envers eux ? Lisant l’Apocalypse, on peut en déduire au moins deux choses :

1. Bien que la cause de Satan soit perdue, jusqu’à ce qu’il soit définitivement jeté dans l’étang de feu et de souffre, il jouit encore d’une grande liberté et d’un grand pouvoir. Ainsi, rien que dans ce livre nouvs le voyons :


- jeter des chrétiens en prison : 2,10

- les accuser jour et nuit devant le trône de Dieu : 12,10 (quelle patience de Dieu ! ! !)

- s’acharner sur Israël : 12,13

- faire la guerre aux saints et les vaincre : 13,7a

Tout ce que Satan peut faire contre le peuple de Dieu, il ne se prive pas de le faire


2. Bien que Satan jouisse encore d’une grande liberté et qu’il possède un grand pouvoir, tout ce qu’il fait au peuple de Dieu est parfaitement mesuré et contrôlé par Dieu :


- il jette les chrétiens en prison, mais la durée est limitée (10 jours : il y aurait eu, paraît-il, 10 empereurs qui auraient persécuté les chrétiens)

- il accuse Dieu jour et nuit, mais le Christ intercède jour et nuit aussi pour les Siens

- il poursuit Israël pour le détruire, mais miraculeusement Israël survit

- il fait la guerre aux saints, mais son règne sur terre, qui lui est donné par Dieu, sera en réalité hyper-bref : une heure : Apoc 17,12.


4. Résistez :

Si quelqu’un sait ce que cela signifie d’être jeté en prison par le diable, c’est bien Marie Durand. Née au XVIIIème siècle, cette jeune protestante n’est encore qu’une jeune fille, lorsqu’à 18 ans, elle est arrêtée et emprisonnée dans la tour de Constance à Aigues-Mortes. Marie Durand n’en sortira que 39 ans plus tard pour ne vivre finalement que 8 ans de liberté. Comment Marie Durand a-t-elle fait pour supporter un si long temps de captivité. Quel était son secret pour tenir ainsi seule, isolée, et ne pas renier sa foi ou finir même par perdre la raison ?

Sur le mur de la cellule dans lequel elle se trouvait, Marie Durand a gravé un mot, un seul qui, malgré le temps qui passe, est resté inscrit dans la pierre de la tour. Ce mot est « Résistez ! ». Comment en tant que chrétien est-il possible de résister, de tenir face à la souffrance et la persécution desquelles nous sommes l’objet de la part de Satan ? Il est impossible en 5 minutes de répondre à cette question. Quelques indices cependant de la lettre adressée par Jésus à l’église de Smyrne peuvent cependant nous aider à y répondre.

1er indice : Il est contenu dans le titre ou l’expression même sous laquelle Jésus se présente à l’église de Smyrne. Si Jésus avait tenu à souligner à l’église d’Ephèse, qui était l’église qui occupait la place principale dans l’ordre des églises d’Asie, que c’était Lui le Chef de l’Eglise, c’est ici en tant que Ressuscité et vainqueur définitif de la mort que Jésus se révèle à l’église de Smyrne.

Par cette présentation, Jésus nous rappelle que, dans la souffrance et la persécution, il n'y a au fond qu’une seule chose permettant aux chrétiens de tenir : c’est leur espérance. Quand bien même les souffrances du moment seraient éprouvantes, le chrétien sait que, malgré le caractère difficile qu’elles revêtent, elles sont et restent passagères, momentanées. Notre ennemi peut certes nous ôter la vie, mais, Jésus l’atteste, il y a une chose qu’il ne peut pas nous prendre : c’est notre relation avec Dieu et notre salut : rappel : Rom 8,35 à 39. Aussi, ce n’est pas ceux qui peuvent détruire notre corps que nous devons craindre dans la persécution, mais Celui qui seul a le pouvoir de faire périr à la fois l’âme et le corps dans la géhenne : Mat 10,28

2ème indice : Si Jésus se présente comme le Ressuscité à l’église de Smyrne, ce n’est pas seulement pour dire et attester aux chrétiens qui souffrent que le diable et la mort n’auront pas le dernier mot sur eux. C’est aussi pour leur dire que, malgré leur incarcération et leur isolement, ils peuvent compter sur Lui, sur sa présence à chaque instant avec eux et auprès d’eux. Comme le dit Paul dans sa lettre aux corinthiens, les chrétiens sont persécutés, mais non abandonnés : 2 Cor 4,9. Ils sont légion les témoignages de chrétiens qui attestent qu’en prison à cause de leur foi, ils ont connu sans Bible une proximité avec le Seigneur comme jamais ils ne l’ont eu du temps de leur liberté.

3ème indice : il est dans la récompense que Jésus promet à ceux qui Lui resteront fidèles jusqu’à la mort : Apoc 2,10. De façon très claire, la Bible lie fortement la souffrance que nous pouvons vivre dans le présent à la gloire à venir qui sera la nôtre : Rom 8,17-18 ; 2 Cor 4,17-18. « Si l’Apocalypse, dit John Alexander, annonce des lendemains qui pleurent, elle prédit aussi des surlendemains qui chantent !


5. Conclusion

Si chaque chrétien n’est pas appelé à passer par le martyr, tous doivent être prêts à le devenir. C’est ce dont témoigne l’apôtre Paul lui-même en Actes 21,13. Si Paul n’était pas ici un martyr, il en avait en quelque sorte l’esprit.

Si cette disposition existe dans le cœur de Paul, croyons bien qu’elle n’est pas due à son caractère. Ni lui, ni Etienne, ni aucun autre chrétien qui dut mourir pour sa foi n’était des hommes au-dessus des autres. Une seule chose au fond les rendait prêt à payer le prix maximal pour la cause de leur Maître : c’était celle qui allait en s’affaiblissant de plus en plus dans l’église d’Ephèse : leur amour pour Christ : 2 Cor 5,14-15

Au IVème siècle, Basile, un évêque, parle d’une vierge condamnée à être brûlée vive, à laquelle on offrit sa vie et ses biens si elle acceptait de se prosterner devant une idole. Elle répliqua : « Que la vie et l’argent s’en aillent, bienvenue à Christ. »

Bienvenue à Christ ! Que Dieu nous donne dans Sa grâce aujourd’hui d’être prêt, s’il le faut, à payer le prix maximal pour Lui, sachant qu’à ce moment, comme à tout autre où nous devons être des témoins pour Lui, Il ne nous fera pas défaut !


ANNEXE : Compilation de témoignages de martyrs de l’époque romaine :


Polycarpe : évêque de Smyrne

Le tumulte fut grand quand le public apprit que Polycarpe était arrêté. Le proconsul se le fit amener et lui demanda si c’était lui Polycarpe. Il répondit que oui, et le proconsul cherchait à le faire renier en disant : « Respecte ton grand âge » et tout le reste qu’on a coutume de dire en pareil cas. « Jure par la fortune de César, change d’avis, dis : A bas les athées (les chrétiens étaient considérés comme tels). » Mais Polycarpe regarda d’un œil sévère toute cette foule de païens impies dans le stade, et il fit un geste de la main contre elle, puis soupirant et levant les yeux, il dit : « A bas les athées ». Le proconsul insistait et disait : Jure, et je te laisse aller, maudis le Christ » ; Polycarpe répondit : « Il y a quatre-vingt-six ans que je le sers, et il ne m’a fait aucun mal ; comment pourrais-je blasphémer mon Roi qui m’as sauvé ? »


Ignace : évêque d’Antioche de Syrie


C’est de bon cœur que je vais mourir pour Dieu, si du moins vous, vous ne m’en empêchez pas. je vous supplie, n’ayez pas pour moi une bienveillance inopportune. Laissez-moi être la pâture des bêtes, par lesquelles il me sera possible de trouver Dieu. Je suis le froment de Dieu, et je sui moulu par la dent des bêtes, pour être trouvé un pur pain du Christ… Depuis la Syrie jusqu’à Rome, je combats contre les bêtes, sur terre et sur mer, nuit et jour, enchaîné à dix léopards, c’est-à-dire un détachement de soldats… C’est maintenant que je commence à être un disciple du Christ. Que rien, des êtres visibles et invisibles, ne m’empêche par jalousie, de trouver le Christ. Feu et croix, troupeaux de bêtes, lacérations, écartèlements, dislocations des os, mutilation des membres, mouture de tout le corps, que les pires fléaux du diable tombent sur moi, pourvu que seulement je trouve Jésus-Christ.


Tertullien : Apologète

Pour vous, dignes magistrats, assurés comme vous l’êtes des applaudissements du peuple, tant que vous lui immolerez des chrétiens, condamnez-nous, tourmentez-nous, écrasez-nous : votre injustice est la preuve de notre innocence ; c’est pourquoi Dieu permet que nous soyons persécutés. Dernièrement, condamnant une chrétienne à être exposée dans un lieu infâme plutôt qu’au lion, vous avez reconnu que la perte de la chasteté est pour nous le plus grand des supplices, et plus terrible que la mort même. Mais vos cruautés les plus raffinées ne servent à rien : c’est un attrait de plus pour notre religion. Nous multiplions à mesure que vous nous moissonnez : notre sang est une semence de chrétiens.


Je viens bientôt !